Une crise d’ampleur inédite
La France, comme de nombreux autres pays dans le monde, a connu ces dernières années plusieurs crises majeures d’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP). Celle de 2021-2022 a été particulièrement sévère, conduisant à l’élimination de plus de 21 millions de volailles et mettant en péril le patrimoine génétique aviaire français. Par ailleurs, l’endémisation (persistance du virus tout au long de l’année) chez les oiseaux sauvages dans de nombreux endroits du territoire national est dorénavant fortement suspectée.
La vaccination des volailles doit être envisagée dans l’optique de compléter la mise en œuvre des mesures préventives de biosécurité sur le terrain telles que le confinement des animaux, la limitation des transferts d’oiseaux, la désinfection ou le changement de vêtements et de matériels d’un élevage à l’autre, etc. A ce jour, seul un vaccin pour les poules (espèce Gallus gallus) dispose d’une autorisation de mise sur le marché en France. Des demandes d’autorisation de mise sur le marché ou d’autorisation temporaire d’utilisation de vaccins pour plusieurs espèces de volailles ont été récemment déposées et sont en cours d’évaluation par l’Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV) et l’Agence européenne du médicament (EMA).
Adopter une stratégie de vaccination préventive
Une stratégie de vaccination en urgence n’est pas jugée pertinente sur le plan scientifique. L’Agence propose que la stratégie de vaccination à mettre en place à l’automne 2023 soit conduite à titre préventif et qu’elle vise plusieurs objectifs :
- anticiper les flambées épizootiques afin d’éviter une diffusion massive d’IAHP à partir de foyers contaminés ;
- protéger les filières avicoles en préservant le patrimoine génétique présent sur le territoire et, de ce fait, la capacité de redémarrage de la production après une éventuelle épizootie.
De manière générale, vacciner les volailles les plus exposées permettra également de limiter la multiplication du virus et le risque de mutation pour éviter qu’il s’adapte aux mammifères et aux humains.
« Nous n’avons pas opté pour la vaccination en urgence en raison des délais trop importants entre la vaccination de l’animal et sa protection contre le virus, le délai pour cette immunité ayant été estimée à 3 à 4 semaines. Par ailleurs, vacciner des animaux en pleine période d’épizootie a tendance à augmenter les flux de personnes dans les élevages et donc les risques de faille de biosécurité et d’introduction de l’IAHP dans ces élevages » précise Caroline Boudergue, adjointe à la cheffe d’unité Evaluation des risques liés au bien-être, à la santé et à l’alimentation des animaux et aux vecteurs à l’Anses.
Prioriser les types d’élevage et les espèces avicoles à vacciner
Pour construire cette stratégie, trois scénarios sont proposés au regard des risques d’introduction et de diffusion de l’IAHP. Ces scénarios ont été établis selon une approche graduée, en fonction des moyens disponibles pour la vaccination :
- scénario 1 : vacciner les animaux présents dans les élevages assurant la sélection et la multiplication pour toutes les filières (voir encadré). Cette étape présente l’avantage de nécessiter un nombre de doses de vaccin limité. Elle permet également de protéger les filières avicoles françaises des impacts d’une nouvelle épizootie en préservant le potentiel génétique ainsi que la capacité à remettre en place des animaux en élevage de production après l’épizootie ;
- scénario 2 : vacciner, dans les élevages de production, les palmipèdes (canards et oies) prêts à gaver et les autres palmipèdes élevés en plein air, les dindes élevées en plein air et les poulettes futures pondeuses destinées au plein air. L’objectif est de limiter l’ampleur des épizooties en ciblant les productions les plus à risque d’introduction et de diffusion du virus. Ce scénario requiert une disponibilité de vaccins plus importante que pour le scénario 1 ;
- scénario 3 : si la disponibilité des vaccins le permet, vaccination des palmipèdes à rôtir et dindes élevées en claustration (dans des bâtiments), des galliformes de chair élevés en plein air autres que ceux listés pour le scénario 2 et des poules de ponte élevées en plein air.
Quatre conditions à réunir pour assurer l’efficacité de ces scénarios
L’efficacité des scénarios proposés repose sur les hypothèses et conditions suivantes :
- à l’automne 2023, le contexte épidémiologique est identique à celui existant aujourd’hui (souche virale H5N1 similaire à celle ayant circulé sur la saison 2022- 2023) ;
- l’offre de vaccins disponibles permet de vacciner chacune des espèces et induit une immunité collective ;
- la stratégie vaccinale est cohérente avec les délais d’acquisition de l’immunité après l’administration du vaccin et avec la durée de la protection vaccinale ;
- la stratégie vaccinale est compatible avec les pratiques d’élevage, notamment d’un point de vue logistique et économique.
Un outil d’aide à la décision
Ces travaux ont pour vocation d’aider les pouvoirs publics et les professionnels des filières avicoles à construire une stratégie vaccinale.