13/06/2024

Les cahiers de la recherche

Notre dernier numéro : Cahier de la recherche n°23 : Les perturbateurs endocriniens - Comprendre où en est la recherche (PDF) 

Les perturbateurs endocriniens.
Cette appellation désigne une grande diversité de substances chimiques qui font partie de notre quotidien, présents dans des produits de consommations et utilisés pour des applications agricoles ou industrielles. Comme d‘autres contaminants, ils se retrouvent dans l’environnement et les organismes vivants, humains ou animaux, dont ils perturbent les systèmes hormonaux. Parmi les nombreuses substances qui agissent sur les systèmes endocriniens, certaines mettent en défaut les régulations hormonales de l’organisme et ont – par ce mode d’action – des conséquences potentiellement graves pour la santé humaine et celle des écosystèmes : ce sont elles qui sont désignées « perturbateurs endocriniens ». Ils constituent une préoccupation forte de la société qui a bien conscience des problématiques de santé associées. Le règlement européen CLP (classification, étiquetage, emballage) a récemment intégré le caractère « perturbateur endocrinien » (PE) comme une classe de danger, au même titre que le caractère mutagène ou reprotoxique, par exemple.  Estimer et prévenir les impacts sur la santé des PE est bien un des enjeux actuels majeurs en matière de santé publique. Ces dernières années, le nombre de substances classées PE s’accroît avec l’amélioration des connaissances. L’Anses joue un rôle essentiel dans ce domaine en menant d’importants travaux d’évaluation pour notamment identifier les substances à caractère perturbateur endocrinien. Dans le cadre de la stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens (SNPE) dont s’est dotée la France depuis 2014, l’agence s’est vue confier l’évaluation d’une liste de substances suspectées PE, mise à jour chaque année. Pour évaluer et règlementer, il est nécessaire de s’appuyer sur des connaissances scientifiques  et donc primordial de soutenir la communauté scientifique. L’Anses joue là encore un rôle important en tant que financeur de la recherche grâce au Programme national de recherche environnement-santé-travail, le PNR EST, levier important de la SNPE. Depuis 2012, plus de 100 projets de recherche ont été financés sur les perturbateurs endocriniens dont une majorité à partir de 2018 grâce au soutien spécifique apporté pour cette thématique par le ministère de l’environnement. Dix-sept d’entre eux sont présentés dans ce numéro des Cahiers de la recherche. Ce soutien est essentiel pour la communauté scientifique tant le travail de recherche à réaliser est immense et complexe. Leur mode d’action fait des perturbateurs endocriniens une famille à part, d’abord parce que, pour certaines d’entre elles, leurs effets s’observent dès les faibles doses et ensuite parce que l’exposition chronique à ces substances lors de périodes sensibles de la vie, telles que la grossesse ou la vie périnatale, peut générer des effets à long terme chez l’individu et pour sa descendance. Pour déterminer l’impact sanitaire des perturbateurs endocriniens, une question difficile à laquelle seule la recherche peut répondre est celle du lien entre l’exposition aux substances et les pathologies qui pourraient en découler. En effet, définir un caractère toxique et quantifier l’exposition n’est pas suffisant pour affirmer qu’une ou des substances sont à l’origine d’une maladie surtout dans le cas des pathologies multifactorielles comme le cancer. L’épidémiologie, associée à d’autres disciplines comme la toxicologie, les sciences de l’exposition, les sciences humaines et sociales etc. sont des clés pour apporter des éléments de réponses et faire progresser  nos connaissances du danger. Dans ce numéro des cahiers de la recherche, les projets présentés illustrent ces sujets d’intérêt. Les articles présentent les démarches des chercheurs pour répondre à ces questionnements, ainsi que des résultats préliminaires et les résultats attendus. La recherche sur les perturbateurs endocriniens progresse : les résultats à venir seront d’un grand intérêt pour combler les besoins de connaissances, encore nombreux, et aussi pour alimenter les travaux d’expertise et d’évaluation du danger et des risques sur ces substances. A l’heure du bilan de la deuxième stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens, il est important de rappeler que le soutien à la recherche est une clé majeure : la complexité du mode d’action des PE sur le vivant nécessite une compréhension fine des mécanismes d’interaction avec le vivant pour soutenir les décisions réglementaires de classement – par le nouveau règlement - d’encadrement voire d’éviction des substances PE.

Pr Benoit VALLET
Directeur général, Anses

Anciens numéros