Reconnaissance des maladies professionnelles : des éléments scientifiques pour réviser les tableaux
Les maladies professionnelles sont sous-déclarées et sous-reconnues. Les démarches reposent sur les tableaux de maladies professionnelles, or certains sont obsolètes par rapport aux connaissances scientifiques et aux pratiques médicales actuelles. L’Anses formule plusieurs propositions pour faciliter la mise à jour des tableaux existants. Dans le cadre de son expertise, elle identifie aussi des maladies non couvertes par des tableaux, qui devraient être inscrites au programme de travail des commissions de maladies professionnelles.
La reconnaissance des maladies professionnelles repose principalement sur un système de tableaux annexés au Code de la sécurité sociale et au Code rural et de la pêche maritime. Si une personne remplit l’ensemble des conditions administratives définies dans le tableau correspondant à sa maladie, elle peut bénéficier d’une reconnaissance automatique. Elle n’a pas à apporter la preuve du lien entre sa maladie et son activité professionnelle car ce lien est présumé.
Cependant, l’évolution des connaissances scientifiques et médicales a rendu obsolètes un certain nombre de tableaux existants. Cette situation génère des difficultés d’accès à la reconnaissance en maladie professionnelle pour des salariés victimes de maladies indemnisables et contribue in fine à la sous-reconnaissance globale des maladies professionnelles. Ce constat a été établi à plusieurs reprises, notamment par la Commission chargée d’évaluer le coût réel de la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles.
Dans ce contexte, la Direction générale du travail, la Direction de la sécurité sociale et le Secrétariat général du ministère en charge de l’Agriculture ont saisi l’Anses afin de disposer d’éléments scientifiques qui permettraient de justifier la mise à jour de ces tableaux. Toute révision des tableaux repose sur une décision de l’État après avis des commissions de maladies professionnelles.
Plusieurs recommandations générales pour tous les tableaux
L’Anses propose des recommandations générales pour mettre à jour les tableaux existants. Elle identifie des améliorations pour chacune des trois colonnes définissant les conditions administratives de reconnaissance :
- la désignation de la maladie, qui décrit les symptômes ou pathologies que doit présenter le malade
- le délai de prise en charge, c’est-à-dire la durée maximale entre l’arrêt de l’exposition et la première constatation médicale de la maladie,
- les travaux susceptibles de provoquer les maladies.
Pour la désignation de la maladie, les experts ont noté que certains tableaux requièrent des modalités de diagnostics médicaux qui ne sont plus réalisés aujourd’hui. Afin de tenir compte de l’évolution des pratiques médicales, l’Anses recommande de ne plus détailler les modalités de diagnostic et d’indiquer uniquement le nom de la maladie, accompagné le cas échéant de la formulation « confirmé par les examens recommandés par les sociétés savantes ou la Haute autorité de santé au moment du diagnostic ».
Concernant les délais de prise en charge, pour une même maladie, certains délais diffèrent entre les tableaux des régimes général et agricole et au sein d’un même régime. De plus, les délais sont dans certains cas trop courts pour réaliser les examens médicaux nécessaires pour constater la maladie. L’Agence préconise donc de vérifier l’ensemble des délais de prise en charge afin de les harmoniser et de les adapter aux modalités de prise en charge médicale à des fins de soin ainsi qu’aux délais d’apparition des maladies. L’Anses recommande par ailleurs de fixer un délai de prise en charge de 50 ans pour l’ensemble des cancers solides, c’est-à-dire hors cancers des cellules sanguines.
Enfin, les listes de travaux susceptibles de provoquer les maladies sont parfois incomplètes et ne mentionnent pas toutes les activités actuellement connues pour être à risque, notamment celles exposant à des agents nocifs (par exemple des agents chimiques ou physiques). L’Agence recommande donc que ces listes ne soient plus limitatives mais indicatives, pour pouvoir inclure des travaux entraînant des expositions comparables aux travaux listés. Elle préconise également d’explorer les enjeux de la poly-exposition dans le milieu professionnel et des interactions entre les expositions à l’origine de maladies multifactorielles comme les cancers et les maladies dégénératives.
Un repérage de maladies professionnelles ne faisant pas l’objet de tableaux
Dans son expertise, l’Agence a identifié une quarantaine de maladies ayant un lien avéré ou probable avec une exposition professionnelle ne faisant pas l’objet d’un tableau de maladie professionnelle. Ces maladies ont été principalement identifiées grâce aux travaux publiés par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) et par l’Anses, ou dans les listes des pathologies indemnisables au titre de maladie professionnelle dans les autres pays européens. Parmi ces maladies figurent des cancers affectant différents organes ainsi que des maladies non-cancéreuses, tels que les troubles cardio-vasculaires, les maladies psychiques et cognitives ou encore des pathologies respiratoires comme l’asthme. L’Anses recommande d’inclure ce recensement de maladies dans la réflexion sur les priorités de travail des commissions de maladies professionnelles, afin d’engager le cas échéant des travaux d’expertise pouvant aboutir à la création de nouveaux tableaux de maladies professionnelles.