Protection des abeilles : l’Anses émet des recommandations afin de renforcer le cadre réglementaire
Dans le cadre du plan d’action gouvernemental sur les produits phytopharmaceutiques et une agriculture moins dépendante aux pesticides, l’Anses publie ce jour le résultat de son expertise et ses recommandations visant à renforcer le cadre réglementaire relatif à la protection des abeilles et autres insectes pollinisateurs. L’objectif de ces recommandations est de réduire encore l’exposition des abeilles aux produits phytopharmaceutiques.
Les abeilles et autres insectes pollinisateurs jouent un rôle crucial dans la biodiversité et l’agriculture. La santé des abeilles est impactée par de nombreux facteurs, dont les produits phytopharmaceutiques. Leur protection vis-à-vis de l’exposition à ces produits est donc une priorité. Dans ce contexte, le plan d’action gouvernemental sur les produits phytopharmaceutiques et une agriculture moins dépendante aux pesticides prévoit de renforcer le dispositif réglementaire de protection des abeilles et autres insectes pollinisateurs. L’Anses a été saisie par le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation et le ministère de la Transition écologique et solidaire afin de formuler des recommandations pour renforcer ce cadre réglementaire.
En réponse à cette saisine, l’Agence formule une série de recommandations, ainsi que des orientations pour le renforcement de l’évaluation des produits phytopharmaceutiques au regard des risques pour les abeilles et autres pollinisateurs.
Le dispositif règlementaire de protection des abeilles
La mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques est encadrée par la réglementation européenne. Une évaluation du risque pour les abeilles est menée au niveau européen avant l’autorisation de chaque substance active. Des données sur la toxicité pour les abeilles des produits contenant ces substances actives doivent également être fournies pour l’obtention d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) dans chaque Etat membre. L’évaluation de ces données permet de fixer dans l’AMM des conditions d’emploi spécifiques à chaque produit, afin d’en protéger les abeilles.
La France a complété ce dispositif européen par un arrêté daté du 28 novembre 2003, interdisant l’utilisation de traitements insecticides et acaricides durant toute la période de floraison et pendant les périodes de production d’exsudats, sur tous les peuplements forestiers et les cultures visitées par ces insectes. L’objectif est de limiter l’exposition des abeilles aux résidus d’insecticides ou d’acaricides pendant les périodes au cours desquelles les cultures sont attractives pour elles. Des dérogations à cette interdiction peuvent être accordées, après analyse de la pertinence agronomique de la demande et de données supplémentaires sur la toxicité du produit sur l’abeille. Lorsqu’une dérogation est accordée, l’utilisation pendant la période de floraison et de production d’exsudats est possible, mais seulement en dehors de la présence des abeilles.
Des recommandations pour renforcer ce cadre réglementaire
L’Anses a pris en compte l’ensemble des données disponibles, dont ses propres travaux sur la co-exposition des abeilles, ainsi que les observations réalisées notamment dans le cadre de la phytopharmacovigilance. Elle recommande d’élargir l’interdiction d’appliquer des produits insecticides et acaricides en pulvérisation pendant les périodes de floraison et/ou périodes de production d’exsudats :
- à l’ensemble des produits phytopharmaceutiques utilisés en pulvérisation pendant ces périodes ;
- à tous les produits contenant des substances actives systémiques utilisés en pulvérisation et traitements de semence avant floraison.
Y compris les produits à base de micro-organismes.
L’Anses recommande que l’octroi des dérogations à l’interdiction d’application soit soumis à la réalisation de nouveaux essais, dès lors que les méthodes le permettant sont disponibles :
- sur le développement du couvain, les effets chroniques d’une intoxication aigüe et, pour tout produit contenant un insecticide neurotoxique, sur le comportement des abeilles (test de retour à la ruche) ;
- sur la toxicité aigüe orale et par contact sur bourdon.
L’Agence recommande également que, quelle que soit la culture concernée, les traitements phytopharmaceutiques bénéficiant d’une telle dérogation ne puissent être appliqués qu’après l’heure de coucher du soleil (telle que définie par l’éphéméride) et dans les trois heures suivantes, dans des conditions permettant d’assurer la sécurité et la santé des opérateurs.
L’évolution des méthodologies d’évaluation de l’Anses
Par ailleurs, à la suite de ces travaux, l’Anses saisit dès à présent son comité d’experts spécialisé en charge de l’évaluation des produits phytopharmaceutiques pour actualiser les méthodologies d’évaluation des risques des produits phytopharmaceutiques qu’elle met en œuvre pour protéger les abeilles et les autres pollinisateurs. Ce travail s’appuiera sur la méthodologie proposée par l’EFSA, notamment pour les risques chroniques pour les abeilles adultes et les larves et la prise en compte des différents scenarii d’exposition.