Utilisation de l’eau de pluie pour le lavage du linge chez les particuliers : les recommandations de l’Anses
L’Agence publie ce jour son avis relatif à l’évaluation des risques sanitaires liés à l’utilisation d’eau de pluie pour le lavage du linge chez les particuliers. Les pratiques de récupération et d’utilisation de l’eau de pluie pour des usages domestiques sont en augmentation depuis plusieurs années dans un but de réaliser des économies d’eau et/ou de maîtrise du ruissellement et des inondations. Compte tenu des variations locales et climatiques et de l’hétérogénéité des pratiques des particuliers pour le lavage du linge, l’Agence conclut à l’impossibilité de réaliser une évaluation des risques sanitaires potentiels liés à la mise en place de telles installations. Toutefois, l’Agence recommande que l’eau de pluie ne soit pas utilisée, notamment pendant la phase expérimentale, pour le lavage du linge des populations les plus vulnérables. Elle recommande également une meilleure information des particuliers en matière d’hygiène et d’entretien du linge.
Lors de leur passage dans l’atmosphère, du ruissellement sur les toitures, dans le réservoir de stockage puis dans le réseau, les eaux de pluie peuvent se charger en métaux, matières organiques, micropolluants organiques et en micro-organismes.
Un arrêté ministériel du 21 août 2008 relatif à la récupération des eaux de pluie et à leur usage à l'intérieur et à l'extérieur des bâtiments précise des conditions d’usage de l’eau de pluie récupérée en aval des toitures inaccessibles, dans les bâtiments et leurs dépendances, ainsi que les conditions d’installation, d’entretien et de surveillance des équipements nécessaires à leurs récupération et utilisations. Cet arrêté autorise l’utilisation de l’eau de pluie à l’extérieur de l’habitation (usages domestiques et arrosage des espaces verts) et à l’intérieur (alimentation des chasses d’eau et lavage des sols intérieurs). L'utilisation d'eaux de pluie pour le lavage du linge est autorisée à titre expérimental, sous réserve de mise en œuvre de dispositifs de traitement de l'eau adaptés.
La Direction générale de la santé a saisi l’Anses afin de « définir les risques sanitaires potentiels directs et indirects que pourrait représenter la mise en œuvre d’une installation de récupération et d’utilisation d’eau de pluie à laquelle serait raccordé un lave-linge, et d’évaluer les modalités de traitement de l’eau éventuellement nécessaires afin que l’eau de pluie puisse être autorisée pour le lavage du linge. »
Conclusions et recommandations de l’Agence
Compte tenu des variations locales en fonction de la saison, de la pluviométrie (durée de l’évènement pluvieux, période de temps sec, etc.), de la température, des caractéristiques de l’installation, de la localisation géographique (rural/urbain), de la nature et des caractéristiques du bassin versant et des surfaces sur lesquelles ruissellent les eaux de pluie, l’Agence conclut à l’impossibilité d’identifier et caractériser de façon exhaustive les dangers microbiologiques et chimiques prépondérants d’une installation de récupération d’eau de pluie à laquelle serait raccordé un lave-linge.De plus, la situation relative à la récupération et à l’utilisation de l’eau de pluie en France, en général et en particulier pour le lavage du linge, est peu documentée, malgré l’article 5 de l’arrêté du 21 août 2008 prévoyant une déclaration d’usage en mairie.
Cette expertise conclut un cycle de travaux de l’Agence portant sur diverses mesures et développements technologiques mis en œuvre pour répondre à la problématique sanitaire liée aux risques ponctuels et/ou durables de raréfaction de la ressource en eau.
Au vu de l’hétérogénéité des données disponibles, des conditions locales, des pratiques des particuliers pour le lavage du linge et de l’impossibilité de réaliser une évaluation des risques, il ne peut être proposé ni de limites de qualité pour l’eau d’alimentation des lave-linge, ni de traitement générique de l’eau de pluie pour le lavage du linge en machine.
Par ailleurs, un lave-linge n’est pas une enceinte stérile et contient des populations microbiennes constituées de micro-organismes apportés par l’eau d’alimentation, les biofilms et/ou le linge sale. Ces différents micro-organismes sont susceptibles d’être retrouvés sur le linge sortant de la machine à laver. Le devenir des micro-organismes sur le linge est étroitement lié aux conditions de lavage (température, produits lessiviels, cycle et qualité de l’eau de rinçage), aux autres étapes d’entretien du linge (séchage, repassage) et à leur synergie. Ainsi l’Agence recommande que l’eau de pluie ne soit pas utilisée pour laver le linge des populations suivantes :
- les populations à risque d’allergie cutanée, ayant des maladies de peau ou des peaux atopiques (propices aux allergies) ;
- les jeunes enfants, qui mettent régulièrement le linge à la bouche ;
- les personnes immunodéprimées ;
- les personnes en hospitalisation à domicile ;
- les personnes hospitalisées dont le linge est lavé à la maison, et leur entourage ;
- les personnes vivant à côté de sites industriels et de sites agricoles, où l’eau de pluie est susceptible de contenir davantage de contaminants chimiques.
S’agissant du lavage du linge, l’Anses préconise l’élaboration d’un guide de bonnes pratiques du lavage du linge, quel que soit le type d’eau utilisé, afin de permettre aux particuliers d’être informés des pratiques d’entretien du linge (tri du linge, température, repassage) à mettre en œuvre afin de viser une hygiène optimale du linge.
L’Anses rappelle et souligne les enjeux et risques sanitaires liés à l’utilisation d’eau non potable pour des usages domestiques à l’intérieur de l’habitat, impliquant la création à l’intérieur du bâti d’un réseau d’eau non potable. L’Agence réitère donc ses recommandations visant à éviter le risque de confusion et d’interconnexion des réseaux d’eau de distribution publique et d’eaux non potables dans le bâti. Il convient pour cela de mettre en place une identification claire des réseaux (couleur, pictogramme, etc.) qui doit être comprise par toutes les populations y compris les personnes malvoyantes et celles ne sachant pas lire ou maîtrisant mal l'usage du français. Il apparaît ainsi primordial que les prescriptions techniques de l’arrêté du 21/08/2008, de la norme NF 16-005 (eau de pluie) et de la norme NF EN 1717 (protection du réseau d’eau destinée à la consommation humaine) soient respectées, notamment celles concernant la disconnexion des réseaux d’eau, l’entretien, la maintenance, le robinet de soutirage à l’intérieur du bâtiment.
L’Anses recommande enfin qu’un diagnostic de présence de réseau d’eau non potable soit ajouté avant la vente de tout bien immobilier.