Équipements de protection individuelle destinés aux applicateurs de produits phytopharmaceutiques : constats et recommandations de l’Anses
Dans le cadre de l'autorisation de mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques (Règlement (CE) n° 1107/2009), l’Anses évalue systématiquement le risque pour l’applicateur associé à l’utilisation de ces produits. Selon les principes généraux du code du travail, les mesures prioritaires de prévention consistent en la suppression du danger à la source ou la substitution des produits dangereux (en particulier les produits cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques CMR). Dans un second temps, lorsque cela est possible, il convient de privilégier les mesures de prévention collective et l’adaptation du poste de travail. Toutefois, le risque n’est parfois acceptable qu’avec, en complément, le port de vêtements de travail et/ou d’équipements de protection individuelle (EPI). L’avis que l’Anses publie ce jour porte sur l’efficacité des vêtements de travail et EPI portés par les applicateurs de produits phytopharmaceutiques. Des EPI à haut niveau de performance existent. Toutefois, le port de ces équipements n’est pas toujours pratiqué du fait notamment d’un niveau de confort faible et des contraintes inhérentes à l’activité au poste de travail. Ainsi, dans l’avis qu’elle publie ce jour, l’Agence propose une série de recommandations de bonnes pratiques de prévention des risques liés aux expositions aux produits phytopharmaceutiques.
Dans le cadre de l’instruction des dossiers de demandes d’autorisation de mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques, l’Anses évalue systématiquement le risque associé à l’utilisation de ces produits pour l’applicateur/opérateur. Un nouveau guide, publié par l’EFSA, définit les lignes directrices selon lesquelles cette évaluation est réalisée dans le cadre de la réglementation européenne.
En termes de prévention, selon les principes généraux du code du travail, la première mesure consiste en la suppression du danger à la source. Vient ensuite le remplacement de ce qui est dangereux par ce qui ne l’est pas ou l’est moins (substitution). Lorsque cela n’est pas possible, il convient de privilégier les mesures de protection collective, mais aussi d’envisager l’adaptation du poste de travail. Par ailleurs, l'utilisation d'un matériel adapté et entretenu est cruciale, avant la mise en place de protections complémentaires comme les protections individuelles.
Toutefois, dans certaines conditions d’utilisation de produits phytopharmaceutiques, le risque n’est acceptable au sens du règlement qu’avec le port de vêtements de travail et/ou d’équipements de protection individuelle (EPI). Il peut s’agir par exemple de vêtements de protection pour le corps, de lunettes, de gants ou encore de masques. Les informations disponibles sur les vêtements et EPI disponibles sur le marché ne permettent pas toujours de s’assurer qu’ils apportent le niveau de protection requis dans chaque situation.
Le travail de l’Agence
Dans ce contexte, l’Anses s’est autosaisie afin de répertorier les vêtements et EPI à usage agricole disponibles sur le marché français, puis d’analyser leur efficacité lorsque portés par les applicateurs de produits phytopharmaceutiques. Cette autosaisine s’intègre également dans le cadre du plan Ecophyto sur la prévention des risques professionnels lors de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques, visant à développer des équipements de protection individuelle adaptés aux besoins des utilisateurs.
Il convient par ailleurs de rappeler que, suite à son avis publié en octobre 2012, l’Anses demande systématiquement aux industriels de fournir, dans leur dossier de demande d’autorisation de mise sur le marché d’un produit phytopharmaceutique, des éléments précis sur les types d’EPI et/ou vêtements de travail qu’ils estiment appropriés pour la protection des travailleurs et opérateurs. C’est sur cette base que l’Agence instruit les dossiers et précise dans ses avis les EPI et/ou vêtements de protection requis.
Dans le cadre de cette autosaisine, le travail de l’Agence a consisté à conduire plusieurs études et à en analyser les résultats :
- un état des lieux des EPI et vêtements de travail disponibles sur le marché et représentatifs des pratiques des agriculteurs ;
- les résultats de tests en laboratoires de perméation et de pénétration sur les vêtements de protection chimique et de travail portés par les agriculteurs ;
- une étude d’exposition des opérateurs portant des EPI conduite en conditions réelles, afin d’estimer expérimentalement le niveau de protection que les EPI apportent.
Il ressort de ces études que l’offre de vêtements de travail et d’EPI disponibles sur le marché français est assez diversifiée, permettant de proposer, dans les circuits de distribution destinés au secteur agricole, des solutions adaptées à de nombreuses situations d’exposition. Les résultats des tests en laboratoire montrent par ailleurs qu’il existe des EPI disponibles sur le marché apportant un haut niveau de performance, tant à la pénétration qu’à la perméation. Toutefois, le port d’EPI n’est pas toujours pratiqué pendant les phases de travail pour lesquelles il constitue pourtant une des conditions de l’autorisation de mise sur le marché des produits utilisés. Les combinaisons certifiées en tant qu’EPI dont les performances sont bonnes en termes de pénétration et de perméation, présentent, pour la plupart, un niveau de confort jugé comme médiocre, faible ou très faible par les agriculteurs, et ne sont pas adaptés aux contraintes inhérentes à certaines activités.
Les recommandations de l’Agence
Au regard des éléments apportés par son analyse, dans l’avis qu’elle publie ce jour, l’Agence recommande notamment :
- de poursuivre les travaux de normalisation réactivés récemment au niveau européen, à l’initiative de la France, pour pouvoir aboutir à une certification systématique des vêtements de travail et EPI utilisés pour la protection aux expositions professionnelles aux produits phytopharmaceutiques, y compris des combinaisons de travail qui sont très utilisées et qui jouent un rôle utile à la protection des applicateurs ;
- de demander aux fabricants d’EPI d’accompagner la certification CE de leurs équipements par l’ensemble des informations utiles aux utilisateurs sur la performance de leurs équipements en fonction des usages, et sur les bonnes pratiques à respecter concernant l’entretien de ces équipements (lavage, stockage, ré-utilisation,…) ;
- que, pour chaque produit soumis à autorisation, le pétitionnaire fournisse des résultats de tests sur les EPI qu’il recommande, réalisés avec son produit et selon les normes harmonisées disponibles, ou justifie une extrapolation à partir de résultats existants avec des produits ayant des caractéristiques similaires ;
- d’adapter le choix de l’équipement de protection individuelle aux risques à prévenir, mais aussi à l’activité à effectuer.
Enfin, si des progrès ont été réalisés en matière de sensibilisation des agriculteurs à l’importance de se protéger des expositions aux produits, notamment dans le cadre de la formation Certiphyto, il reste néanmoins encore d’importants efforts à accomplir en ce sens. L’Anses recommande que de nouvelles initiatives soient prises pour sensibiliser tous les agriculteurs aux enjeux sanitaires. Elle recommande l’adoption de guides de bonnes pratiques par filières dont la diffusion devrait être large.
Les autres travaux de l’Agence
En parallèle de cette autosaisine, l’Agence contribue à mieux documenter les expositions professionnelles aux produits phytopharmaceutiques et à préciser les caractéristiques des vêtements de travail et/ou EPI permettant d’atteindre les niveaux de protection requis.
Elle a notamment mis en place un groupe d’experts dédié à l’exposition des travailleurs agricoles aux pesticides. Il vise à établir un état des lieux des données scientifiques disponibles pour certaines situations spécifiques d’exposition en conditions réelles de travail, en vue notamment d’identifier d’éventuels besoins d’études et de recherches et de proposer des recommandations utiles à la prévention. Le groupe d’experts devrait rendre ses conclusions début 2015.