L’Anses publie les résultats de ses travaux sur les risques liés au talc en milieu professionnel
Suite à plusieurs signalements concernant l’utilisation en milieu professionnel d’un enduit fabriqué à partir de talc suspecté de contenir des fibres d’amiante, l’Agence a été saisie en mars 2009 pour faire le point sur la composition en fibres minérales, et en fragments de clivage, des talcs, ainsi que sur les risques sanitaires liés à leur utilisation. Elle vient de publier le résultat de ses travaux et fait des recommandations visant, notamment, une meilleure protection des travailleurs.
Le talc est un minéral dont la formule chimique brute est : Mg3Si4O10(OH) 2. Les particules de talc se présentent généralement sous forme de plaques mais peuvent, plus rarement, prendre la forme de fibres longues et fines, formant ainsi du talc fibreux. La composition chimique des talcs et la présence de minéraux associés dépendent du type de roche originelle et de la nature de la transformation géologique à l’origine de leurs formations. Ainsi, la composition chimique des gisements de talc, et la présence, en leur sein (à des concentrations plus ou moins importante) d’autres minéraux et d’autres fibres minérales peuvent varier pour un même gisement et à l’intérieur de zones géographiques relativement rapprochées.
Suite à plusieurs signalements concernant l’utilisation, en milieu professionnel, d’un enduit époxydique, fabriqué à partir de talc suspecté de contenir des fibres d’amiante, l’Agence a été saisie en mars 2009 pour faire le point sur la composition, en fibres et fragments de clivage, des talcs, ainsi que sur les risques sanitaires liés à leur utilisation. Le travail mené sur ces questions vient d’être publié et s’articule autour de trois axes :
Présence de fibres d’amiante dans les talcs
Les travaux menés par l’Agence montrent que le talc peut contenir, selon les différents gisements de production dont il est issu, d’autres minéraux fibreux ou non fibreux. En particulier, il peut contenir des fibres minérales ayant des structures chimiques analogues à celles des six fibres minérales classées comme des fibres d’amiante au sens réglementaire*.
Le niveau de connaissance de la nature minérale et de la composition des différents gisements de talc dans le monde est assez limité. Seuls certains talcs européens et nord américains ont été bien étudiés. On ne peut donc exclure la présence de fibres d’amiante dans les talcs qu’elles soient asbestiformes ou non asbestiformes. Aussi, les fragments de clivage, qui proviennent de la coupure des blocs de minerais, et qui sont retrouvés dans le talc broyé et moulu, peuvent ainsi aussi bien provenir de fibres de talc, de fibres minérales asbestiformes, ou de fibres non asbestiformes.
Les méthodes analytiques, préconisées par la réglementation pour la détermination des fibres d’amiante, ne permettent pas toujours de différencier une fibre minérale asbestiforme de son homologue non asbestiforme. En effet, il n’existe actuellement aucune méthode fiable et reproductible pour différencier de façon simple, et dans tous les cas d’analyse, les fragments de clivage des fibres asbestiformes, ou non asbestiformes.
Exposition des travailleurs au talc
Le talc est utilisé dans un grand nombre de domaines d’activités industrielles. Différents grades de talc, présentant des caractéristiques physiques plus ou moins spécifiques à certaines applications industrielles, sont disponibles sur le marché.
Les expositions professionnelles à la poussière de talc se produisent lors de l'exploitation minière, du broyage, de l'ensachage, et du chargement de talc. Elles se produisent aussi lors des opérations d’utilisation et de traitement du talc. C’est le cas en particulier dans l’industrie du caoutchouc, et de fabrication de céramiques, de peintures, d'émaux, et de divers produits. Ces expositions correspondent le plus souvent à un mélange de talc et de poussières minérales de compositions variables. En particulier, le quartz et les fibres minérales (asbestiformes ou non asbestiformes) sont des contaminants fréquents.
Les niveaux d’exposition professionnelle brute dans les mines et les moulins sont relativement bien connus. Cependant, dans la grande majorité des cas, la caractérisation des expositions reste le plus souvent sommaire et imprécise, et il n’y a pas, le plus souvent, de mention de la nature minéralogique des talcs étudiés. En particulier, l’information sur la présence potentielle de trémolite, asbestiforme ou non asbestiforme, dans les gisements de talcs, n’est pas disponible. Les valeurs d’exposition dans les autres secteurs d’activité (hors mines et stations de broyage) sont très limitées, et ne sont pas exploitables pour une évaluation des expositions, ou pour une estimation des risques sanitaires.
Effets du talc sur la santé
L’expertise de l’Agence confirme les données sanitaires relatives aux effets de l’exposition au talc sur la santé, et notamment les effets non cancérogènes (talcoses), qui se produisent, en particulier, à la suite d’une exposition à long terme.
Pour ce qui des effets cancérogènes potentiels du talc, contenant des fibres minérales non asbestiformes ou des fragments de clivage, les données épidémiologiques et toxicologiques ne permettent pas à l’heure actuelle, de se prononcer sur ce risque.
Considérant ces différents éléments, l’Agence recommande :
- d’établir une cartographie précise des différents gisements de talc dans le monde avec une identification des autres fibres minérales qu’ils sont susceptibles de contenir, et d’assurer la traçabilité des talcs, depuis leur extraction jusqu’à leur commercialisation en France ;
- qu’en l’absence de toute information fiable et validée sur l’origine des talcs, qui permette d’affirmer l’absence de contamination par des fibres asbestiformes, de rechercher, selon les méthodes réglementaires qui concernent la recherche d’amiante dans les matériaux, les fibres d’actinolite, de trémolite et d’anthophyllite (ATA) dans les talcs, ou dans les produits contenant du talc, commercialisés en France ;
- d’appliquer la réglementation sur l’amiante, en cas de mise en évidence de fibres ATA dans des produits contenant du talc, commercialisés ou déjà en place ;
- d’appliquer la réglementation sur l’amiante en milieu de travail en cas de présence de fibres d’amphiboles ATA dans l’air inhalé par les travailleurs exposés au talc, ou aux produits en contenant ;
- enfin, de développer des méthodes analytiques et des études sur les effets sanitaires pour permettre à la fois de différencier les fibres asbestiformes des fibres non asbestiformes, et d’améliorer les connaissances sur les effets sanitaires des différentes fibres non asbestiformes.
* Qu’est-ce que l’amiante?
La dénomination "fibre d’amiante" désigne six fibres minérales, qui se distinguent par leur forme dite "asbestiforme", c'est-à-dire "ayant la forme d’amiante". Le terme "asbestiforme" fait référence à une morphologie provenant d’une cristallisation naturelle et unidimensionnelle d’un minéral donnant des fibres ayant l’apparence de cheveux. Cette morphologie confère au minéral des caractéristiques particulières dont un rapport d’allongement élevé (rapport longueur/diamètre), des propriétés mécaniques accrues (dont la force, la flexibilité, et la durabilité). Il existe, par ailleurs, des fibres homologues ayant la même composition chimique que les fibres d’amiante, mais qui ne se sont pas développées de façon unidimensionnelle en longues fibres, mais plutôt de façon bi ou tridimensionnelle, donnant lieu à une morphologie plus massive.
Les six types de fibres d’amiante se répartissent en deux familles : d’une part, les serpentines qui ne contiennent qu’un type de fibre - le chrysotile- et d’autre part les amphiboles qui regroupent cinq types de fibres asbestiformes : l’actinolite, l’anthophyllite, la trémolite, l’amosite, et la crocidolite. Pour les distinguer de leurs homologues "non asbestiformes", les noms de ces dernières sont précédés par le terme "amiante".