Infections nosocomiales : la bactérie Bacillus cereus peut aussi en être la cause
Si Bacillus cereus est bien connue pour être à l’origine d’infections alimentaires, des chercheurs de l’Inra et de l’Anses, en collaboration avec les médecins de neuf hôpitaux en France dont ceux de l’AP-HP[1] démontrent pour la première fois que cette bactérie est responsable de contaminations nosocomiales inter- et intra-hospitalières. Cette étude menée chez 39 patients entre 2008 et 2012 révèle également la présence dans l’environnement hospitalier de souches de B. cereus capables d’engendrer des infections parfois mortelles. Publiés dans PLOS ONE, ces résultats incitent à ne pas négliger ces infections dans les hôpitaux afin d’améliorer la prise en charge des patients.
Bacillus cereus est une bactérie présente partout : dans les sols, les aliments, quasiment sur toutes les surfaces, la peau humaine... Sous forme de spores, elle résiste à la cuisson et à la pasteurisation. B. cereus est le deuxième agent responsable d’infections alimentaires en France et le troisième en Europe, caractérisées par des diarrhées et des vomissements. Dans des cas plus rares mais plus sévères, B. cereus peut également être responsable d’infections cliniques d’origine non alimentaire, en particulier chez les personnes fragiles (nouveaux nés, personnes âgées). Or, la réelle incidence de telles infections cliniques par B. cereus n’est pas connue et les informations sur les caractéristiques des souches bactériennes incriminées sont peu nombreuses.
Pendant cinq ans, grâce aux données épidémiologiques et cliniques recueillies auprès de neuf hôpitaux volontaires en France dont deux de l’AP-HP et avec le soutien de laboratoires sous-tutelle de l'Inserm, les chercheurs de l’Inra et de l’Anses ont mené une étude sur B. cereus à l’hôpital dans l’objectif d’une caractérisation approfondie (phénotypique et génotypique) des souches bactériennes. Cette étude a été menée sur 39 patients, pour la plupart immunodéprimés, infectés par B. cereus ; huit sont décédés.
Ces travaux ont mis en évidence des contaminations nosocomiales à B. cereus. Ils ont permis d’analyser de façon approfondie le profil génétique de souches de B. cereus identifiées à l’hôpital. La même souche de B. cereus a été retrouvée chez plusieurs patients sans qu’aucun lien n’ait pu être établi entre eux, ainsi que dans l’environnement de l’hôpital. Huit groupes de patients porteurs de la même souche ont ainsi été identifiés, une souche infectant jusqu’à quatre patients. En particulier, une même souche de B. cereus a été identifiée à 2 ans d’intervalle chez 2 patients distincts dans un même hôpital. L’agent pathogène est donc une source d’infection pour les patients hospitalisés, probablement en raison de la capacité de B. cereus à sporuler et/ou à former des biofilms.
Par ailleurs, la caractérisation moléculaire des souches a permis de montrer qu’une souche de même profil génétique pouvait être identifiée chez plusieurs patients au sein d’un même hôpital, mais également entre différents établissements hospitaliers.
Ces résultats mettent en évidence la nécessaire vigilance vis-à-vis de B. cereus à l’hôpital, tout particulièrement chez les personnes immunodéprimées. Ils suggèrent une rigueur particulière en termes de procédure de nettoyage et désinfection. Ces travaux ouvrent également des pistes vers la mise au point de tests diagnostiques, basés sur les facteurs de virulence, capables de distinguer les souches de B. cereus présentant ou non un danger pour la santé humaine.
L’efficacité in vitro des traitements antibiotiques de première intention recommandés pour le traitement des infections à B. cereus a aussi été démontrée. Ainsi, afin d’améliorer la prise en charge des patients, un diagnostic précoce d’une infection grave à B. cereus pourrait permettre d’ajuster les traitements antibiotiques, sans attendre des résultats d’analyses complémentaires.
Spores de Bacillus cereus. © Inra, PIHM
Référence :
Bacillus cereus, a serious cause of nosocomial infections: epidemiologic and genetic survey. Benjamin Glasset, Sabine Herbin, Sophie A. Granier, Laurent Cavalié, Emilie Lafeuille, Cyprien Guérin, Raymond Ruimy, Florence Cassagrande-Magne, Marion Levast, Nathalie Chautemps, Jean-Winoc Decousser, Laure Belotti, Isabelle Pelloux, Jerôme Robert, Anne Brisabois et Nalini Ramarao. PLOS ONE. 23 mai 2018.
[1] Institut Micalis et MaIAGE - Mathématiques et Informatique Appliquées du Génome à l'Environnement - (Inra, AgroParisTech), l’Anses, l’Institut de recherche en santé digestive (Université Toulouse III – Paul Sabatier, Inserm, Inra, ENVT), le CHU de Toulouse, le Centre d'Immunologie et des Maladies Infectieuses (Inserm, UPMC), l’Hôpital Pitié-Salpêtrière, AP-HP, l’hôpital Antoine-Béclère, AP-HP, le CHU de Nice, le CHU de Strasbourg, le CHU de Chambéry, le CHU de Grenoble.