Bisphénol A
Usages et effets sanitaires du bisphénol A (BPA)
Le bisphénol A (BPA) est une substance chimique de synthèse principalement utilisée depuis de très nombreuses années dans la production de polycarbonates et comme intermédiaire de synthèse des résines époxydes, mais aussi dans la production d’autres polymères, etc. L’Anses a identifié, en France, près d’une soixantaine de secteurs d’activité potentiellement utilisateurs de cette substance. L’Agence, sur la base de ses travaux portant sur l’étude des usages et l’expertise des effets sanitaires du BPA a recommandé dès septembre 2011, une réduction des expositions de la population, notamment par sa substitution dans les matériaux au contact des denrées alimentaires. Ces recommandations ont été confirmées par l’expertise de l’Agence publiée en 2013. Depuis le 1er janvier 2015, l’usage du BPA est proscrit dans la composition des contenants alimentaires (biberons, bouteilles, conserves, etc.). Par ailleurs, depuis 2012, l’Anses a instruit plusieurs dossiers portant sur le BPA dans le cadre du règlement REACh et CLP auprès de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA).
Qu’est-ce que le bisphénol A ?
Le bisphénol A est une substance chimique de synthèse utilisée depuis plus de 50 ans dans un grand nombre d’applications industrielles. Ses deux principales utilisations ont longtemps été la fabrication de plastique (de type polycarbonate) et de résines époxydes. Il est aussi utilisé comme composant d’autres polymères et résines (polyester, polysulfone, résines vinylesters…). Il intervient dans la synthèse de certains retardateurs de flamme et comme révélateur dans les papiers thermiques (tickets de caisse notamment).
L’Anses, dans le cadre de ses travaux sur les perturbateurs endocriniens, a réalisé une étude de filières en 2011 dont l’objectif était d’identifier de manière plus systématique les secteurs d’activité utilisant le bisphénol A et les produits et articles de consommation concernés. Elle a identifié près d’une soixantaine de secteurs potentiellement utilisateurs de cette substance en France et a listé de manière non exhaustive des usages, articles et préparations susceptibles de contenir du bisphénol A (câbles, mastics, adhésifs, récipients à usage alimentaire ou non, optiques de phares, articles de sports, fluides de freinage, fluides caloporteurs, matériel d’installation électrique, appareils électroménagers, dispositifs et appareils médicaux, encres d’imprimerie...), montrant ainsi qu’une très grande diversité de produits et d’articles était concernée.
Le travail de l’Anses
Évaluation des risques sanitaires
A la demande du ministère chargé de la santé, l’Agence a mené depuis 2009 un travail d’expertise d’envergure sur une trentaine de substances identifiées comme reprotoxiques de catégorie 2 ou/et perturbateurs endocriniens pour la reproduction et la fertilité, incluant notamment le BPA.
En septembre 2011, l’Agence publiait deux rapports relatifs aux effets sur la santé et aux usages du BPA. L’Agence identifiait à cette occasion comme objectif prioritaire la prévention des expositions des populations les plus sensibles (nourrissons, jeunes enfants et femmes enceintes ou allaitantes). Elle recommandait une réduction de ces expositions, notamment par la substitution du BPA dans les matériaux au contact des denrées alimentaires.
Suite aux conclusions de l’Agence, le Parlement a adopté en décembre 2012 une loi visant à la suspension de la fabrication, de l'importation, de l'exportation et de la mise sur le marché de tout conditionnement à vocation alimentaire contenant du BPA. Ainsi, depuis le 1er janvier 2015, il est interdit dans les biberons et autres contenants alimentaires. Cette législation devrait conduire à une baisse très significative du niveau d’exposition au bisphénol A par voie alimentaire.
L’évaluation des risques liés à l’exposition du BPA, publiée par l’Anses en avril 2013, a confirmé les effets sanitaires mis en évidence en 2011, en particulier pour la femme enceinte au regard des risques potentiels pour l’enfant à naître. L’avis de l’Agence prend en compte, pour la première fois, une estimation des expositions réelles de la population au BPA par voie alimentaire, mais aussi par inhalation (via l’air ambiant) et par voie cutanée (au contact de produits de consommation). Il met en évidence le fait que l’alimentation contribue à plus de 80 % de l’exposition de la population.
Trois autres rapports ont également été publiés en 2013 : un état des lieux des alternatives potentielles au bisphénol A, une évaluation des dangers d’autres composés de la famille des bisphénols et un rapport sur les incertitudes entourant les perturbateurs endocriniens.
En outre, les travaux ont conduit à identifier d’autres situations d’exposition, notamment liées à la manipulation de papiers thermiques (tickets de caisse, reçus de cartes bancaires,…), en particulier dans un cadre professionnel.
Évaluation des risques sanitaires : les recommandations de l’Agence
L’évaluation des risques sanitaires liés à l’exposition au bisphénol A conduit l’Anses à recommander :
- d’évaluer l’impact dans le temps de la mise en œuvre de cette réglementation et de s’assurer de l’innocuité des substituts mis en œuvre. En particulier, en l’absence de données scientifiques complémentaires, l’Agence n’encourage pas à utiliser d’autres bisphénols comme solution de substitution au bisphénol A ;
- l’Agence rappelle par ailleurs la pertinence des recommandations pour le consommateur émises dans ses avis précédents.
Considérant la mise en évidence de situations potentiellement à risque pour l’enfant à naître des femmes enceintes manipulant des papiers thermiques contenant du bisphénol A, en particulier dans le cadre de leur activité professionnelle, l’Anses recommande :
- de prendre des mesures en vue de réduire l’exposition des femmes manipulant des papiers thermiques contenant du bisphénol A ou d’autres composés de la famille des bisphénols, notamment en milieu de travail ;
- d’engager, dans les meilleurs délais, une étude de biométrologie chez des femmes travaillant en caisse manipulant des papiers thermiques contenant du bisphénol A et/ou du bisphénol S, en vue de vérifier les résultats issus des scénarios d’exposition retenus dans ce travail et d’identifier les mesures de gestion les plus adaptées. L’Agence s’engage à soutenir de telles investigations.
L’Agence émet également des recommandations afin d’améliorer les connaissances sur la toxicité du bisphénol A notamment chez les populations les plus sensibles, de mieux caractériser les expositions (amélioration des méthodes d’analyse, acquisition de données vis-à-vis de milieux et populations spécifiques, acquisition de données pour améliorer la modélisation des expositions,…).
Enfin, sur le plan méthodologique, l’Agence recommande de revoir la pertinence de l’utilisation de valeurs toxicologiques de référence telle que la dose journalière tolérable pour des substances pour lesquelles les périodes de vulnérabilité ne sont pas toujours connues, mais aussi d’intégrer de façon systématique une analyse interdisciplinaire des incertitudes dans la démarche d’évaluation des risques.
Consulter le dossier du presse du 9 avril 2013 (PDF) pour en savoir plus.
Dans son avis du 25 mars 2013 relatif à l'évaluation des risques liés au bisphénol A (BPA) pour la santé humaine, l'Anses a mis en évidence le fait que la voie d'exposition prépondérante est la voie alimentaire : les produits en conserve étaient responsables à hauteur de 50% de l’exposition alimentaire au BPA non conjugué. Pour ce qui concerne les denrées non conditionnées en conserve, la viande (viandes, abats et charcuteries) participait à hauteur de 17% à cette exposition et les produits de la mer à 3%, sans qu'il y ait d'explication sur la source de contamination de ces denrées.
L’Anses a été sollicitée le 14 octobre 2013 par la Direction générale de l’alimentation et la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) pour proposer un plan d’échantillonnage pour la surveillance de la contamination des produits d’origine animale par le BPA non conjugué. En s’appuyant sur les préconisations de l’Anses, la Direction générale de l’alimentation (DGAl) a réalisé en 2015 un plan d’échantillonnage et d’analyse du BPA non conjugué dans les denrées alimentaires d’origine animale non conditionnées en conserve. L’Agence a publié en 2017 un avis relatif à l’évaluation des résultats de cette campagne d’analyses conduite par la DGAl, qui conclut que dans les viandes, les niveaux de contamination ont diminué d’un facteur 3 par rapport aux données de 2006-2007. Par ailleurs, les données confirment que la contamination en BPA des denrées alimentaires d’origine animale survient post-mortem, donc après abattage des animaux. Des études s’avèrent donc nécessaires pour déterminer les sources de contamination le long de la chaîne de production (en abattoir, à la découpe…).
Proposition de classement en tant que toxique pour la reproduction
L’Anses a proposé dès 2012 et au niveau européen, un classement plus sévère du bisphénol A en tant que toxique pour la reproduction, dans le cadre du règlement (CE) No 1272/2008 du 16 décembre 2008 relatif à la classification, à l'étiquetage et à l'emballage des substances et des mélanges, dit règlement CLP. En effet, depuis 2002, le BPA faisait l’objet d’un classement européen harmonisé comme toxique pour la reproduction suspecté (catégorie 2). Dans la continuité de ses travaux et au regard des effets observés (effets sur la fertilité et le système reproducteur mâle et femelle observés chez l’animal et corroborés par des études épidémiologiques, chez l’être humain, dont la pertinence est discutée) et des critères du règlement CLP, l’Anses a proposé de classer le bisphénol A comme toxique pour la reproduction pour l’homme (1B) et également de discuter un classement en catégorie 1A, en fonction de la façon dont les incertitudes sur les données humaines sont interprétées.
Fin mars 2014, le Comité d’évaluation des risques (RAC) de l’Agence européenne des substances chimiques (ECHA) a délivré, sur la base de l’ensemble des données, un avis favorable à la proposition française de classement du BPA en tant que substance toxique pour la reproduction de catégorie 1B. Un classement en catégorie 1 aura pour conséquences directes l’application de mesures réglementaires plus sévères, en particulier l’obligation de mise en place de mesures de prévention renforcées pour les utilisations professionnelles du bisphénol A (en premier lieu sa substitution), ou l’interdiction de mise sur le marché de substances et de mélanges contenant du bisphénol A à plus de 0.3% à destination des consommateurs.
Proposition de restriction du BPA dans les papiers thermiques
L’Anses a soumis à l’ECHA en mai 2014 une proposition de restriction de l’usage du BPA dans les papiers thermiques, dans le cadre du Règlement REACh. Cette proposition mettait en avant l’existence d’un risque pour la santé des travailleurs (principalement des employés de caisse) et des consommateurs exposés au BPA du fait de la manipulation de papiers thermiques (tickets de caisse). Le RAC en juin 2015 a conclu que la proposition de restriction constituait la réponse la mieux adaptée en termes d’efficacité pour réduire les risques sanitaires associés. En décembre 2015, le comité d’évaluation socio-économique (SEAC) a confirmé que la mesure de restriction proposée constituait une mesure appropriée pour réduire les risques pour la santé des travailleurs exposés. En décembre 2016, cette mesure de restriction (modification de l’annexe XVII du règlement REACh) a été publiée au journal officiel de l’Union européenne. Elle prévoit que "le bisphénol A ne pourra plus être mis sur le marché dans le papier thermique à une concentration égale ou supérieure à 0,02 % en poids après le 2 janvier 2020". A cette concentration, cette valeur limite est en pratique équivalente à une interdiction du BPA.
Proposition de classement en tant que substance extrêmement préoccupante au titre du règlement REACH
Deux démarches ont été conduites successivement par l’Agence en 2016 et en 2017 visant à identifier le BPA comme substance extrêmement préoccupante (substance of very high concern ou SVHC) au titre du règlement REACh.
Au mois de juin 2016, l’Anses a soumis à l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) une proposition visant à identifier le BPA comme substance extrêmement préoccupante dans le cadre de l’application du règlement européen REACh, sur la base de ses propriétés «reprotoxiques». Le comité des Etats membres a adopté cette proposition en décembre 2016.
En février 2017, l’Anses a soumis à l’ECHA une proposition visant à identifier le BPA comme substance extrêmement préoccupante dans le cadre du règlement européen REACh, sur la base de ses propriétés «perturbateur endocrinien». Cette deuxième proposition de l’Agence a été adoptée par le comité des Etats membres en juin 2017.
Cette adoption a pour effet d’insérer le BPA dans la liste des substances candidates pour être éventuellement soumises à la procédure d’autorisation, suivant la procédure prévue par le règlement REACh.
Réponse à la mise en consultation du projet d’avis de l’EFSA sur les effets sanitaires du bisphénol A
Le 17 janvier 2014, l’EFSA mettait en consultation son projet d’avis relatif à l’évaluation des risques liés au bisphénol A pour la population humaine. Cet avis présente les résultats d’une analyse de plus de 450 études portant sur les risques potentiels pour la santé associés au bisphénol A, et conclut, tout en soulignant le contexte de très forte incertitude scientifique, que le bisphénol A ne présente pas de risques pour les consommateurs aux niveaux actuels d’exposition, via l’alimentation et la manipulation de tickets thermiques. Toutefois, l’EFSA a proposé une baisse de la dose journalière admissible, établie à titre provisoire, en vue de prévenir les risques qu’elle considère comme faibles au regard de l’exposition des consommateurs.
Au regard du travail qu’elle a réalisé depuis de nombreuses années sur ces questions, l’Anses a souhaité contribuer à cette consultation et a transmis son avis à l’EFSA le 13 mars 2014.
L’intégration de nouvelles études dans l’expertise de l’EFSA a permis d’apporter des compléments d’information, en particulier pour certains effets critiques comme le métabolisme, pour lesquels assez peu d’informations étaient disponibles jusque récemment. De plus, pour cette nouvelle évaluation des risques pour la santé, non seulement les études d’exposition par voie orale ont été évaluées, mais la voie sous-cutanée a également été prise en compte, ce qui n’était pas le cas dans les avis précédents de l’EFSA. Néanmoins, étant donné les divergences d’interprétation concernant notamment les limites méthodologiques des études de toxicité sur le bisphénol A, l’Anses recommande de définir des critères objectifs, qui devraient faire l’objet d’une harmonisation entre l’EFSA et les agences nationales de sécurité sanitaire.
Après analyse du projet d’avis de l’EFSA, l’Anses considère que les conclusions de son évaluation publiée en mars 2013 restent valides, et estime nécessaire de poursuivre une veille active permettant l’actualisation des données sur cette substance.
L’EFSA a lancé en 2017 une nouvelle évaluation des risques liés au BPA.