Consommation de poisson d'eau douce et imprégnation aux PCB, une étude nationale
Dans un contexte de pollution de plusieurs cours d'eau par les PCB et de dépassement des teneurs maximales autorisées dans certaines zones pour plusieurs espèces de poissons d'eau douce, l'Agence a été chargée, en 2008, de réaliser, en collaboration avec l'Institut de veille sanitaire, une étude sur l'imprégnation aux PCB des consommateurs de poissons d'eau douce. A l'issue de trois années de travail, les résultats de cette étude montrent notamment que les imprégnations mesurées dans cette étude sont voisines de celles de la population générale. Ce travail, a permis à l'Anses d’établir des fréquences de consommation maximale de poissons fortement bio-accumulateurs de PCB sans risque pour l'homme sur le long terme.
Interdits depuis plus de 20 ans en France et dans de nombreux pays, les PCB sont des substances chimiques persistantes dans l'environnement largement répandues à la surface du globe. Au niveau européen comme international, des dispositions ont été prises pour réduire l'exposition de la population aux PCB et notamment la fixation en 2006 des teneurs maximales européennes à ne pas dépasser dans les denrées. En France, comme dans plusieurs pays européens, des dépassements de ces teneurs dans les poissons d'eau douce ont été observés dans plusieurs cours d'eau. Depuis 2006, des restrictions de pêche et des recommandations de non consommation des espèces de poissons les plus accumulatrices de PCB (anguilles, poissons gras, espèces dites fortement bio-accumulatrices) ont ainsi été prises localement, sur la base de la réglementation en vigueur. Au niveau national, il est recommandé de limiter la consommation des espèces fortement bio-accumulatrices (anguille, barbeau, brème, carpe, silure), en particulier pour les femmes en âge de procréer auxquelles il est préconisé de l'éviter. En effet, les principaux effets critiques mis en évidence sont des effets sur le développement mental et moteur chez le jeune enfant exposé pendant la grossesse ou l'allaitement.
Une étude nationale sur l’imprégnation aux PCB
Dans ce contexte, et dans le cadre du plan national d'actions sur les PCB, le ministère chargé de la Santé a demandé, en 2008, à l'Anses, en collaboration avec l'InVS, de réaliser une étude sur l'imprégnation aux PCB des consommateurs adultes de poissons de rivière, principalement les pêcheurs et les membres de leurs familles.
L'objectif principal de l'étude était d'identifier les déterminants prédominants de l'imprégnation sanguine aux PCB. Il s'agissait notamment de rechercher l'existence d'un lien éventuel entre la consommation de poissons d'eau douce fortement bio-accumulateurs et l'imprégnation. Cette étude devait ainsi aider à la définition de fréquences acceptables de consommation de ces poissons, c'est-à-dire sans risque pour l'homme sur le long terme.
A l'issue de plus de trois années de travail, les résultats de cette étude ont été publiés début 2012. Avec la participation de la Fédération nationale de la pêche en France (FNPF) et du Comité national de la pêche professionnelle en eau douce (CONAPPED), des foyers de pêcheurs amateurs et professionnels ont pu être contactés sur six sites de niveau de contamination contrasté en PCB.
Au total, 606 pêcheurs amateurs ou membres de leur foyer et 16 pêcheurs professionnels ont été inclus dans l'étude. Pour chaque participant, les habitudes alimentaires, ainsi que les pratiques de pêche et de consommation des poissons d'eau douce ont été recueillies. En parallèle, un prélèvement sanguin a été réalisé afin de déterminer le niveau d'imprégnation aux PCB.
Une étude riche d’enseignements
Il ressort de ce travail que le niveau de consommation de poissons d'eau douce est faible (en moyenne 1 fois/mois chez les pêcheurs amateurs), en particulier pour les poissons fortement bio-accumulateurs de PCB (environ 2,5 fois/an). Seuls 13% de la population des pêcheurs amateurs de l'étude consomment des poissons fortement bio-accumulateurs plus de deux fois par an.
Deuxième enseignement, cohérent avec l'observation précédente, les niveaux d'imprégnations observés chez les participants à l'étude sont similaires à ceux observés dans la population générale. Ils sont inférieurs à ceux de la population française à la fin des années 80 lorsque les PCB ont été interdits. D'un point de vue sanitaire, très peu de participants dépassent le seuil d'imprégnation critique - valeur en dessous de laquelle les risques sont écartés. Leur proportion est du même ordre de grandeur qu'en population générale et ces individus sont parmi les plus âgés.
L'étude a aussi mis en évidence que la consommation des poissons fortement bio-accumulateurs était associée à une augmentation de l'imprégnation aux PCB. Cependant, la consommation actuelle de ces poissons a une influence nettement moindre sur l'imprégnation que l’âge, reflet probable de la consommation passée, compte tenu de la diminution progressive de la contamination en PCB dans l'environnement.
Des recommandations de consommation à la clé
Sur la base de ces résultats, l'Anses s'est auto-saisie afin de déterminer une fréquence de consommation maximale de poissons fortement bio-accumulateurs sans risque sur le long terme et, ainsi, de préciser les recommandations qu'elle avait formulées dans son avis du 14 juin 2010 relatif à l'évaluation des bénéfices et des risques de la consommation de poissons. Au regard de cette nouvelle étude spécifique au risque PCB, l'Anses recommande de limiter les consommations de poissons d'eau douce fortement bio-accumulateurs (anguille, barbeau, brème, carpe, silure) :
- à 1 fois tous les 2 mois pour les femmes en âge de procréer, enceintes ou allaitantes ainsi que les enfants de moins de 3 ans, les fillettes et les adolescentes;
- à 2 fois par mois pour le reste de la population.
Au regard des caractéristiques de cette nouvelle étude, en particulier en raison de son caractère national et global, ces recommandations ne sont pas applicables aux zones de très forte contamination pour lesquelles des évaluations de risques spécifiques ont été réalisées par l'Agence depuis 2008. Elles ne remettent donc pas en cause les recommandations locales de non consommation. Sur la base des conclusions de cette étude, l'Anses pourra proposer des recommandations complémentaires en 2013 définissant les modalités d'une surveillance dans la durée de la contamination des cours d'eau.